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Wednesday, July 15, 2020

Masques en tissu, stop ou encore ? - Cuir - Chaussures - L'Usine Nouvelle

tisukerontang.blogspot.com

Micmac sur les masques. Courant avril, en vue du déconfinement imminent, Bercy demandait aux fabricants français de la filière textile d’accélérer la production de masques grand public. Pari tenu : 700 entreprises ont fabriqué jusqu’à 10 millions d’exemplaires par jour, avec un pic à la fin mai. Mais dans le même temps, la France ouvrait les vannes des importations, en particulier de modèles jetables. L’État a lui-même commandé des millions de pièces pour pallier le risque de pénurie à l’heure du déconfinement. Résultat : les masques français se sont vus concurrencés par des productions asiatiques, moins chères, alors que la demande a rapidement chuté peu après le 11 mai.

Les entreprises tricolores se sont retrouvées avec l’équivalent de 30 millions de masques en tissu, soit produits et en stock, soit dont les matières ont été commandées. Même si ces stocks pourront être écoulés dans les prochains mois, c’est une sévère désillusion pour les acteurs de la filière, qui s’étaient mobilisés de façon exemplaire depuis mars. "Il y a de l’incompréhension, voire de l’amertume", résume Pierric Chalvin, le délégué général d’Unitex, l’union des industriels du textile d’Auvergne-Rhône-Alpes. "On nous a demandé de nous engager, mais sans jamais nous donner de visibilité sur la taille du marché potentiel, témoigne Paul de Montclos, le PDG du fabricant de linge de maison Garnier-Thiebaut, à Gérardmer (Vosges), qui a fabriqué 500 000 masques. On a amélioré la productivité et la qualité, on a investi, mais le marché s’effondre."

Des dizaines de PME et d’ETI ont fait le même pari, investissant de 300 000 à 5 millions d’euros dans de nouvelles machines pour répondre à la demande. Elles ont moins sollicité le chômage partiel que la moyenne, certaines ont même massivement embauché. Le spécialiste des textiles pour l’aéronautique Aertec, par exemple, a recruté 42 personnes en CDD et investi 600 000 euros dans son atelier toulousain (Haute-Garonne) pour produire 1 million de masques. Il a réalisé 1 million d’euros de chiffre d’affaires en un mois et demi, l’équivalent de quinze jours d’activité « normale ». Pas anodin, alors que ses marchés habituels sont en berne. Dans la région lyonnaise (Rhône), le spécialiste des équipements de protection individuelle Boldoduc a fait travailler 120 personnes pour assembler ses masques en kit. À Lille (Nord), la bonneterie Lemahieu dit avoir bouclé son exercice 2019-2020 (qui se termine en juin) à l’équilibre. "Sans les masques, on serait à - 5 ou - 6 %", confie son président, Martin Breuvart.

Avec la baisse de la demande, cette parenthèse va-t-elle définitivement se refermer ? Pas dans toutes les entreprises. "Il y aura davantage de fabricants de masques en France qu’avant la crise, mais l’offre va se resserrer", avance Pierric Chalvin. D’autant plus que l’État a annoncé son soutien à plusieurs usines françaises de masques chirurgicaux jetables. Mais les acteurs du textile, qui ont démontré leur capacité d’adaptation, croient en l’avenir à long terme des masques en tissu, plus écologiques car réutilisables. "Le masque est un produit nouveau, qui va évoluer. Nous ne sommes qu’au début de l’histoire", espère Marc Pradal, le président de l’Union française des industries de la mode et de l’habillement.

Personnalisation, recyclage et matériaux innovants

L’innovation, c’est la clé pour survivre sur ce marché très concurrentiel – en plus de l’automatisation de la production. "Il n’y aura de la place que pour des produits haut de gamme et des services associés", assène Benoît Basier, le président de la société Barral, créée au plus fort de la crise par le Pôle textile Alsace autour d’une trentaine d’entreprises. Fini la production manuelle pour répondre en urgence à la demande. Hyperlégers, lavables 50 fois, fabriqués en circuit court, les masques seront produits de façon automatisée. La ligne de production a été installée dans l’usine du sous-traitant automobile Mahle Behr France à Rouffach (Haut-Rhin). Une initiative régionale visant à créer une filière de recyclage (des masques de Barral, mais pas seulement) est aussi en cours de développement. Dans l’Yonne, Géochanvre produit déjà un masque jetable biocompostable à base de chanvre. En Normandie, le groupe Lecuyer, spécialiste français des élastiques et des sangles, va vendre un masque chirurgical lavable dix fois. Des industriels travaillent aussi à des alternatives aux matériaux filtrants des masques médicaux, qui ne sont pas ou peu produits en France.

Boldoduc, comme d’autres, s’est recentré sur le marché des masques personnalisés. "Nous avons conçu de nouveaux textiles sublimables, sur lesquels nous imprimons le logo du client, explique le PDG, Jean-Charles Potelle. Ce ne sont pas des quantités énormes, de l’ordre de 100 fois moins que durant le pic de la crise. On saura en juillet si le pari du 100 % made in France pour ces productions est gagné, en fonction du volume de commandes." Des entreprises veulent aussi faciliter la vie des entreprises qui doivent gérer d’importants stocks de masques en tissu utilisés par les salariés. La blanchisserie industrielle bordelaise (Gironde) Georges a conçu, notamment pour Air France et la SNCF, un système de marquage personnalisé pour suivre les masques à la trace. "Le marquage permet de tracer toute la vie du masque et de savoir combien de lavages sont encore possibles avant le recyclage", explique Karine Da Silva, la présidente de la société.

L’un des enjeux des prochains mois sera de permettre le développement harmonieux de ces initiatives multiples sur le territoire, sans qu’elles se cannibalisent. Durant la crise sanitaire, la filière avait prouvé sa capacité à travailler collectivement, autour d’une plate-forme d’échange nommée Savoir faire ensemble. La démarche va continuer, et son logo apparaîtra même sur certains produits pour valoriser le made in France. Une façon de rappeler aux consommateurs qu’ils ont le pouvoir de les soutenir en achetant en priorité ces masques français réutilisables.

Objectif relocalisation?

Dans la foulée de sa mobilisation exemplaire durant la crise du Covid-19, la filière textile française veut prendre un nouveau départ. Le gouvernement a confié une mission au comité stratégique de filière mode et luxe autour de la relocalisation de certaines productions autour des modèles intégrés, innovants et durables en régions. Ils doivent rendre leurs propositions à l’automne. Des pistes émergent. "Davantage de flux d’information, de numérique et une production robotisée, résume Marc Pradal, le président de l’Union française des industries de la mode et de l’habillement. Ces technologies sont largement accessibles aujourd’hui et il faut mettre à jour nos méthodes pour améliorer notre productivité et notre compétitivité." Les entreprises textiles aimeraient aussi pouvoir faire appel ponctuellement aux couturières à domicile qui se sont mobilisées durant la crise du Covid-19, pour des taches non automatisables, en leur donnant un nouveau statut. Plus largement, la filière appelle à se poser la question du cycle de vie des produits dans la prise de décision, en intégrant ces critères aux appels d’offres. Si les collectivités et administrations sourçaient ne serait-ce qu’une partie de leurs achats textile en France, la filière pourrait respirer.




July 15, 2020 at 01:00PM
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Tissu

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